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REINE D’ARBIEUX

tenir secrète. Que se passait-il, quel travail sou­terrain dans ce tuf de l’être, où les avares enterrent leur trésor, les vicieux leurs vices, et d’où montent dans la rêverie jusqu’à la face des bouffées de cha­leur soudaine ?

Certes, il avait assez de ténacité et d’esprit de dissimulation pour attendre, s’il le fallait, une occa­sion favorable pendant des années ; mais, si pru­dent qu’il eût été, faisant alterner l’amabilité et la froideur, il avait senti que quelque chose en Reine subissait déjà son emprise. Une amitié ? C’était cela qu’elle devait rêver ! Le regard de Bernos flotta un moment dans la pièce, traversa la vitre poussié­reuse ; la carriole venait de s’éloigner et Sourbets, au milieu de la cour, admonestait un contremaître qui l’écoutait dans une attitude inquiète et crain­tive ; puis il tourna la tête vers la fenêtre.

Bernos, tiré de sa torpeur, se remit à fouiller parmi les papiers ; mais dans ses prunelles monta un feu trouble.

Le dimanche suivant, Adrien fumait une courte pipe après le déjeuner sous un cep de vigne qui formait tonnelle. Une auto passa, éclair rouge, sou­levant la poussière de la route. Sourbets était seul. Une demi-heure après, Adrien ouvrait le petit portail, contournait la maison aux volets clos. Un après-midi aveuglé de soleil torride, qui sen­tait la prune et la terre chaude, et où les champs déserts composaient cette large impression de vide, de paix religieuse, qui est la musique du dimanche.