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REINE D’ARBIEUX

levée, mais un frisson avait secoué ses minces épaules : elle était retombée dans son fauteuil ; les impressions de cette journée vibraient encore dans toutes ses fibres rendues follement sensibles par la solitude, réveillant une foule confuse de désirs et d’émotions. Ainsi ébranlée, elle sentait le trouble que le mot d’Adrien avait fait naître, élargir en elle ses ondes secrètes. Elle regrettait de l’avoir quitté si rapidement. Elle eût aimé le revoir, lui laisser comprendre que sa sympathie l’avait touchée. Mais pourrait-elle l’inviter ? N’était-ce pas indigne que son mari le traitât comme un inférieur ? Lui aussi devait bien souffrir. Entre ses humiliations et les siennes, il lui semblait voir une secrète similitude. Peu à peu, les larmes noyaient ses yeux. Elle cacha sa figure dans ses mains et sanglota désespérément, sa tête touchant presque ses genoux.


VII


On s’étonnait qu’Adrien Bernos fût revenu à la campagne, alors qu’il avait fait une partie de ses études à Paris, de bonnes études ! Quand la guerre avait éclaté, il venait de finir à l’École Centrale sa première année. Adolescent, il avait été l’élève acclamé aux distributions de prix qu’on voit passer dans la cour, chargé de livres à tranches d’or ;