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REINE D’ARBIEUX

elle était coupable vis-à-vis de lui d’une faute qu’il aurait été à la vérité bien incapable de déterminer, mais qui l’avait outré de colère, tout autant que s’il avait entendu quelque insinuation malveillante ou reçu une lettre anonyme.

Il se répétait avec entêtement la phrase par laquelle leur discussion avait commencé :

— Chaque fois que je vous faisais signe, vous aviez l’air de ne pas me voir. Vous allez dire main­tenant que ce n’est pas vrai !

Il jeta un coup d’œil vers la porte-fenêtre comme s’il espérait que Reine allait apparaître. Nul bruit ne venait plus de la salle à manger où Génie avait achevé de mettre le couvert : tout semblait tran­quille, mais il sentait dans ce silence de la maison une fausse paix qui l’impatientait ; devant le seuil, un épagneul noir et feu dormait, couché en rond, sa tête coiffée d’oreilles frisées posée sur sa queue.

Pourquoi restait-elle enfermée dans sa chambre ? Après tout, il ne lui avait rien dit de si offensant ! Dans tous les ménages, il y avait des scènes qui s’oubliaient vite ; sans la maladresse de Marie Lavazan, sans doute ne se serait-il pas laissé emporter, et il accusait cette pleurnicheuse, cette sainte Nitouche, qui aurait dû se tenir à sa place. Que venait-elle faire dans cette réunion ? C’était de sa part un manque de tact.

« Son mari a eu raison de la « plaquer », pensa-t-il, satisfaisant par cette grossièreté un obscur désir de vengeance.