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REINE D’ARBIEUX

Un peu avant midi, quelques-uns des invités se trouvaient réunis. Mme Fondespan avait amené dans sa voiture la mère de Régis. « Cette pauvre Marie… elle n’avait jamais aucune distraction. » Elle avait maigri. On remarqua ses tempes plus creuses et son dos voûté dans la robe noire un peu défraîchie, ornée au corsage pour la circonstance d’un nœud de dentelles.

Elle s’était assise dans l’embrasure d’une fenêtre que voilait un store, et s’adossait à un rideau vert Empire relevé par une cordelière. Il y a une grande tristesse dans ces vies provinciales si soigneusement cataloguées, lorsque des malheurs ont réduit à rien ce qu’on pouvait être auparavant, et que les signes de la pauvreté sont épiés et enregistrés comme sur le visage d’une femme longtemps adulée les premières rides. Marie Lavazan songeait à son fils. En ces derniers mois, l’idée s’était lentement formée dans son esprit qu’entre Reine et lui un attachement qu’elle ne pouvait définir avait existé. Elle en éprouvait la tristesse résignée des êtres accablés d’épreuves, peu à peu tombés au rang de victimes, et forcés de cacher jalousement ces grands secrets de rêve et d’espérance qui sont la nourriture des cœurs humiliés.

Bien souvent, le soir, dans le silence de sa chambre, elle regardait au-dessus de la commode un petit tableau encadré d’une baguette noire. C’était un fusain d’Arthur d’Arbieux qui représentait une métairie du pays. La veille de son départ, une préoccupation secrète avait ramené