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REINE D’ARBIEUX

lumière, pendant les longues journées où son cœur jouissait du bienfait silencieux de la solitude. Mai étincelait dans les plates-bandes où foisonnaient les fleurs du printemps : pensées de velours, éclairées d’une frêle goutte d’or ; giroflées flambantes, couleur de miel et d’abeille ; myosotis d’un bleu candide, le bleu des bouquets du mois de Marie. Les iris étaient en boutons. Reine regardait s’allonger leur hampe et se déchirer le mince parchemin qui les enveloppe. Le potager, sous les poiriers, était jonché de pétales blancs. Limpides matinées où elle respirait à l’abri du monde, rafraîchie et récon­fortée par la gaieté des choses familières. Pourquoi sa tante l'écrasait-elle de ses exigences ? Quel était ce besoin inapaisable de la tourmenter ? Elle ne demanderait rien à son mari. « Il m’a fait assez de cadeaux, » pensait-elle, avec une honte secrète, revoyant les écrins qui s’entassaient dans son armoire. Ce n’était pas de cela qu’elle avait soif. Comme celles qui gardent leur cœur libre de toute vanité et ont rêvé inutilement les délicieux pré­sents de l’amour, elle trouvait lourdes les bagues à ses doigts et les diamants sur sa gorge. Mais combien légères, quand elle passait sous les arbres, les perles qui s’égouttaient sur son front et dans ses cheveux.

Le bosquet de lauriers, près de la maison, for­mait une chambre de verdure ouverte. Elle y avait accroché un hamac aux longs glands traînants. Les après-midi, elle s’y glissait. Il y avait parfois sur le banc, près des hortensias, sa boîte d’ouvrage