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REINE D’ARBIEUX

du printemps, la laissaient plus vivante et renou­velée. Germain n’avait rien à lui reprocher. Elle voulait avoir du courage.

La maison basse où ils s’installaient avait été habitée longtemps par le contremaître de la pape­terie. La porte-fenêtre du salon ouvrait sur la route. Les bras enlacés d’une glycine formaient entre les fenêtres de grosses torsades. Une haie de rosiers du Bengale ourlait la barrière, et de l’autre côté de la route, un bâtiment neuf servait de garage et d’écurie. Par derrière, un petit jardin d’agré­ment ombragé de quelques arbres, et un potager fermé d’un grillage, d’où la vue s’étendait sur un pays boisé et sauvage. Des vapeurs couleur d’indigo, de cendre, de violette pourpre, suivant les heures, baignaient ces landes vastes comme une mer.

Combien ce logis était différent du beau domaine de La Font-de-Bonne, tout enveloppé et rayonnant aux yeux de Reine d’une atmosphère poétique qui était celle de ses premiers rêves. Mais, épuisée par la vie insatiable de l’imagination, qui aspire toutes les forces et laisse parfois les êtres jeunes dans une anémie profonde, hors d’état d’agir, elle res­suscitait à une autre existence. Trop de sensations nouvelles la bouleversaient pour qu’elle sentît dans son cœur les places vacantes. C’était en elle un obscur désir d’oublier ; une lassitude aussi d’at­tendre, assoiffée, le bonheur qui ne vient jamais. Il fallait être raisonnable. Si prosaïque que fût sa coquille, non point chatoyante de mille reflets