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REINE D’ARBIEUX

de compromettre Reine ? « C’est pour sa cousine, aurait-on dit, que la petite de la Brèche prend des renseignements. » Et elle s’efforcait de se démon­trer que ce mariage était impossible. Son amie n’irait pas contre son cœur. Aucune considération de fortune n’aurait prise sur cette nature tendre et rêveuse, agitée du désir d’aimer. Si Germain Sourbets demandait sa main, il n’y avait rien à craindre : elle refuserait. Personne ne pourrait la contraindre. Mais ces arguments, qui auraient dû la convaincre, ne la rassuraient pas. Un pres­sentiment l’emportait dans son âme comme eût fait un don de seconde vue. Et tout en se répétant que ses alarmes n’étaient que songes, elle gardait le sentiment d’une cause entendue pour laquelle les prières mêmes — et les plus ferventes — res­taient sans pouvoir.

— Je vous l’ai déjà dit : il veut une réponse, laissa tomber Dutauzin, de ses lèvres desséchées par la gravité professionnelle.

Mme Fondespan plissait un front sourcilleux. Les rubans noués de sa capote encadraient son visage plein, creusé de deux rides contournant la bouche coulissée. L’âge avait à peine empâté le menton large. M. Dutauzin souleva ses lourdes paupières et fit une pause.

Ceci se passait dans son cabinet de travail. La cheminée s’ornait d’une pendule funéraire, stèle en marbre noir, lugubre et glacée. Le miroir d’un tru­meau reflétait le buste de la vieille dame et ses