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En réalité, ce qui l’accablait, c’est qu’elle ne pouvait confier à Régis sa peine. Ce compagnon dont elle avait partagé les simples plaisirs, qu’elle avait vu, plus âgé qu’elle de dix ans, se pencher sur sa solitude, délicat, pensif, plein de bonté pour la consoler, voici qu’il était devenu le maître de sa vie et de son bonheur ; un homme paré à ses yeux d’un charme unique, qui l’attirait profondément et lui faisait peur. Et, en même temps qu’elle aurait voulu, comme autrefois, s’apaiser sur lui, la tête blottie contre son épaule, une crainte mystérieuse scellait sa tendresse au fond de son cœur.

Mais il n’était pas dans sa nature de se décourager : elle se redressa, active, vivante.

— Je ne comprends pas pourquoi vous partez. Quand on a commencé quelque chose, est-ce qu’on abandonne ?…

Régis se reprenait.

— Vous oubliez ce qu’a été ma vie, ce qu’elle est encore.

Elle savait qu’il disait vrai, et que sous sa réserve se cachaient des soucis, des humiliations, soigneusement tus, que son caractère était porté à exagérer. Une sorte d’indignation s’élevait en elle à la pensée qu’il pouvait souffrir de recevoir une pension de son oncle, et être impatient de se libérer. Est-ce que le docteur, célibataire, pouvait faire de son argent un meilleur emploi ? Si elle comprenait de tout son cœur généreux la reconnaissance, ces inquiétudes mêlées de scrupules lui paraissaient