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REINE D’ARBIEUX

jaune, fortune rapide — comme si la folie d’émigrer ne pouvait avoir d’autre excuse qu’un fabuleux enrichissement.

Régis n’avait pas semblé comprendre. À qui devait-il des explications ? Pauvre, n’était-il pas assuré d’avoir toujours tort ! Il se taisait. Il s’isolait. Une angoisse montait en lui qui le rendait insensible à toute autre chose, cette angoisse que la brièveté de l’heure présente concentrait au cœur. À plusieurs reprises, et sans que Reine pût l’apercevoir, il avait tourné vers elle un visage tellement empreint de tristesse et d’indécision que les conversations autour de lui s’étaient arrêtées.

Reine descendit vers le parterre. Le groupe des jeunes filles — elles faisaient, parlant toutes à la fois, un bruit de volière — venait de se défaire. Le soleil touchait sur l’autre versant du vallon un bouquet de chênes. Non loin de ces arbres, Régis distinguait le château ruiné où son oncle, le docteur Ychoux, vivait en paysan avec sa servante — que l’on appelait du nom de son mari mort, Moutille de Clément — au milieu de ses appeaux et de ses épagneuls. Lui-même soignait, en vue des chasses d’automne, deux couples de palombes grasses et silencieuses, aux paupières cousues, qui semblaient figées dans un sommeil éternel. Dans cette demeure décrépite, où les tapisseries tombaient en lambeaux, le docteur avait de mauvaise grâce recueilli sa sœur. Célibataire, il ne lui pardonnait pas d’avoir épousé un