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REINE D’ARBIEUX

avait conduit ? Il y avait une rangée d’hammerless devant la devanture, et aussi des revolvers couchés sur une étagère couverte d’une étoffe rouge, à côté de carniers, de colliers de chien et de gourdes revêtues de paille clissée.

Sourbets entra.

— Je voudrais un revolver.

Il en choisit un et exigea de descendre à la cave pour l’essayer. Une détonation… une autre ! Il glissa dans sa poche l’arme encore chaude, qui sentait la poudre, paya et sortit. Il semblait violent et mauvais. L’armurier, un vieil homme débonnaire, à cheveux blancs, chaussé de pantoufles, qui l’avait accompagné jusqu’à la porte, le regarda traverser la rue.

Immobile, alourdi par la cargaison, le Lotus engouffrait les derniers colis dans ses larges flancs de bête repue. Toute la journée, les grues avaient balancé sur le pont des grappes de caisses, du geste raide de leur bras de fer. Maintenant la brume montée après le coucher du soleil noyait de ses nappes la ville et le port. Les feux semblaient détrempés. Les passagers, chargés de valises, se hâtaient vers la passerelle.

Derrière un wagon, fantôme dans la buée trouble, un homme attendait. Bien avant l’heure de l’embarquement, il avait dîné dans une louche auberge du quai. « À pied-d’œuvre », se disait-il. Autour du comptoir en zinc, les débardeurs vidaient de gros verres. Le bar sentait l’alcool et la sueur.