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REINE D’ARBIEUX

Coup de tête ? Que chacun épilogue à sa fantaisie : nos deux noms sont liés, accolés, mariés pour toujours. On dit que tout s’oublie. Quelle sottise ! Un scandale est ineffaçable. Songez donc : une pâture pareille à la curiosité, à l’orgueil, à la médisance. Les gens s’ennuient tant !

« Voilà, songeait Reine, sa vraie nature. » Ainsi brutal, elle le détestait, mais préférait son cynisme au ton doucereux.

— Tout le monde ? releva-t-elle. Personne ne sait ! Où est le scandale ? La nuit était noire. La moto n’a pas traversé le bourg.

Il y eut un silence.

— Vous ne voulez pas dire, je pense, que vous-même répandrez le bruit de cette fuite ?

Le trait portait. Il feignit de le mépriser. À son tour, précis, avec une hardiesse que décuplaient ses forces nerveuses, il brusqua l’attaque :

— Ce qu’on n’a pas vu, on le devine… ou bien on l’invente. Il suffit de rapprocher les faits. Songez donc : dans la même journée, mon cousin me jette à la porte, je pars mystérieusement, vous disparaissez… et entre tout cela, les gens ne verraient aucun rapport ?

Il réfléchit :

— D’ailleurs, on parlait déjà. Nos rendez-vous dans le bois étaient espionnés. Par qui ? Est-ce qu’on sait jamais ! Si je vous disais que Germain a reçu hier une lettre anonyme.

« Ah ! pensa-t-elle, il ne m’en avait pas parlé. » Comme une toile se lève, au théâtre, découvrant