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REINE D’ARBIEUX

quais. Les fûts, scellés comme des lettres royales d’un cachet de cire, entraient aussi dans les aven­tures. À côté des cargos soufflant, crachant la fumée, leurs bataillons rangés en carrés, massifs, réguliers, exhalant les capiteux effluves des vignobles, attendaient leur ordre d’embarquement. Flammes dansantes, les pavillons bigarrés s’étiraient au vent. Le port sentait le vin et la mer.

Adrien entra au bureau de la Compagnie Tran­satlantique. Un quart d’heure après, il en sortait, rasséréné. Le Lotus partait le soir pour Casablanca et il avait retenu deux cabines. Les seules qui res­taient vacantes ! Il passa à la banque, retira l’ar­gent qu’il avait en compte ; cinquante mille francs, hérités d’un oncle, auxquels il n’avait jamais touché. Dans l’après-midi, il ferait quelques achats indispensables. Tout irait bien. Déjà, à pousser vivement ses préparatifs, il avait l’impression d’atteindre le but.

Il avait laissé un mot à l’hôtel, pour prévenir Reine qu’il rentrerait avant le déjeuner. La femme de chambre qu’il rencontra dans l’escalier lui apprit que la dame qui était arrivée avec lui, la veille, avait la migraine :

— Elle m’a demandé de monter seulement dans sa chambre une tasse de thé et quelques biscuits.

— Mais elle n’est pas malade ? interrogea-t-il.

Il fut sur le point de repartir, descendit même deux ou trois marches : si elle voulait se reposer, mieux valait la laisser tranquille ! Puis, brusque­ment, il se ravisa.