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REINE D’ARBIEUX

tone, qui la soulageait un peu, la berçait, comme si elle avait été encore une enfant.

Adrien sortit vers neuf heures, traversa la longue place ensoleillée. L’air léger lui faisait du bien. Au réveil, brisé de fatigue, il avait pris une douche froide et but d’un trait deux tasses de café. Il se sentait mieux. Comme on remonte une machine, il avait remis en marche son corps surmené. Une fièvre terrible était dans son cœur et dans sa chair — une fièvre dangereuse parce qu’elle pouvait, tout à coup, monter au cerveau. Mais il s’appliquait à la réduire. Il se méfiait. Ce n’était pas en vain qu’une discipline rigoureuse, et aussi l’habitude de dissimuler, lui avaient appris à mater ses nerfs. Quand il y a des risques d’incendie, ce sont les imbéciles qui met­tent le feu.

Il chercha des yeux l’allée que Reine et lui, rapprochés, avaient parcourue. En adversaires d’abord ; puis en amis ! Un instant, elle s’était amollie. Il avait senti une détente. Mais, à l’hôtel, muette, presque hostile, elle s’était reprise. L’allée mystérieuse dans la brume nocturne n’était plus la même ; nette, débarrassée de toute vapeur, entre les files correctes des arbres, elle n’abritait plus que des bonnes et des enfants, clairsemés par petits groupes, qui faisaient des pâtés de sable.

Le ciel était sur la rade d’un bleu de turquoise pâle, un peu verdie. Les grues, déployant leur bras raide, enlevaient les barriques au-dessus des