Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
REINE D’ARBIEUX

À revoir, dans la lumière morte du réveil, l’étranger qu’avait enveloppé la grâce rêveuse de son amitié, elle confrontait avec une douleur infinie cet homme réel et l’idée qu’elle s’en était faite — cette image d’un être souffrant, moitié révolté, moitié victime, qu’elle avait construite à sa ressemblance.

Elle s’assoupit un moment encore, puis rouvrit les yeux. Une aube sale pâlissait derrière les rideaux un carré de ciel qu’encombraient les toits. Le silence régnait dans l’hôtel, à peine troublé par le craquement d’un sommier, une toux étouffée, décelant des vies anonymes.

Reine enfonçait dans l’oreiller sa figure brûlante. Ah ! si seulement on pouvait revenir au point d’où l’on est parti ! Aux cauchemars habituels où l’on sent une torpeur invincible lier vos membres quand on voudrait fuir, des images plus précises se substituaient : Germain lui apparaissait, menaçant, avec ce regard brûlant de colère qui la veille l’avait effrayée ; ses larmes, l’affirmation de son innocence ne pouvaient rien contre sa fureur, elle se sentait perdue sans recours.

La fièvre la consumait sous les couvertures. Elle les repoussa. L’idée lui vint qu’elle avait pris froid. Mais que lui importait d’être malade ? « Le plus simple serait de mourir… Cela finirait tout ! » Une douleur affreuse pesait dans sa nuque. Elle mit sa tête au creux de son bras et le replia, étouffant de toutes ses forces une plainte mono-