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REINE D’ARBIEUX

moire, et la porte qui ouvrait sur le salon, fermée au verrou, donnait l’impression d’une barrière que Reine aurait dressée entre eux de ses propres mains.

En vain avait-il bouleversé les tiroirs, cherché au fond d’un coffret incrusté d’ivoire et sur la coif­feuse : en silence, sans laisser un mot, un indice, elle était partie, et le gravier devant la fenêtre n’avait pas gardé la trace de ses pas. Une feuille de glycine seule jonchait l’allée, qu’elle avait dans sa fuite peut-être arrachée. Lentement, comme une eau souterraine cherche sa voie, et se divise dans une terre obscure, pour la soulever enfin, la crever de son flot brutal, l’idée qui se formait en lui avait éclaté.

Il fallait se rendre à l’évidence. Elle était partie. Moment terrible où il s’était senti en face d’un mur, avait mesuré sa force impuissante. Ainsi son amour — car il l’aimait avec une faim doulou­reuse — et sa volonté d’être le maître, tout cela n’était rien. Pas même son droit, son droit absolu ! Pour la première fois, dans ce ring où s’affrontent les êtres qui s’aiment, avec cette passion si souvent semblable à la haine, Germain se sentait assommé. Il avait passé la main sur sa face, s’était étonné de n’y pas voir de sang. Ses veines se vidaient. Puis une pudeur d’homme malheureux l’avait obligé à se ressaisir : comme on ensevelit dans les ténèbres une maison où il y a un mort, lui-même avait fermé les volets.

Il regardait de nouveau cette fenêtre, le por-