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REINE D’ARBIEUX

tous les jours : fidèle, mais non point exact, éprou­vant sa patience par des attentes qui l’humiliaient. Devinait-il que l’empressement sans doute l’eût lassée ? L’avantage qu’il avait su prendre dès le premier jour, comme il excellait à le garder ! Moins rebelle à ses secrets désirs de tendresse et d’épan­chement, il n’eût point conservé, aux yeux de Reine, le prestige de l’homme qui se possède, ne demande rien, et semble même dédaigner d’avance toutes les tentations, fortifiant à chaque ren­contre l’idée supérieure qu’elle se formait de son caractère.

Mais, sous sa réserve, elle sentait filtrer une ardeur de sentiment qui faisait le charme de leur entente ; par une contradiction qu’elle ne voulait pas approfondir, ni même s’avouer, elle en épiait les signes furtifs, gagnée par ce plaisir d’être recherchée, admirée peut-être, qui bouleverse chez les plus pures un monde engourdi — plaisir incom­parable, d’une brièveté saisissante, qui se consume infailliblement dans les exigences et la flamme qu’il a allumées.

Chaque jour, elle arrivait la première au rond-point désert, s’asseyait sur une souche, un peu oppressée. Au début, cette brève rencontre lui avait suffi. Mais le besoin qu’elle avait de voir Adrien grandissait sans cesse ; une sorte de soif insatiable, qui lui faisait un cœur agité et insatisfait. Ils causaient maintenant comme s’ils s’étaient connus depuis leur enfance ; lui, volontaire et circonspect, enveloppant d’intérêt affectueux des questions