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REINE D’ARBIEUX

pénible de renoncer. N’était-elle pas prête à lui dire que c’était la dernière fois ? Il lui en coûtait trop de dissimuler. Mais la tactique habile et prudente qu’il avait adoptée renversait les rôles.

« Ah ! songe Reine, si je n’étais pas venue, il aurait pensé que je manquais de confiance ou de caractère. C’est son défaut d’être susceptible. » Elle se rappelle son battement de cœur, le troi­sième jour, lorsqu’elle l’avait aperçu de loin, arrêté parmi de grandes fougères. Il était adossé à un chêne, la tête baissée. Elle découvrait de trois quarts son front vaste et haut, creusé d’une ride à la naissance du nez crochu, sa bouche longue et mince. Les mâchoires serrées donnaient au visage quelque chose de souffrant et de contracté. Comme elle surgissait, il s’était brusquement déta­ché de l’arbre, avait fait quelques pas vers elle : sa physionomie, perdant l’expression tendue qui l’avait frappée, n’exprimait qu’une surprise un peu ironique :

— Je me demandais si vous viendriez.

Sa voix était sèche, presque mordante, mais elle voyait brûler dans ses yeux un violent plaisir.

Quelques souches de pin couchées dans un petit rond-point les attirèrent. Ils avaient fait quelques allées et venues dans l’odeur des fougères roussies par l’automne, puis s’étaient assis. Adrien creusait le sable gris du bout de sa canne. Ne craignait-elle pas que Germain fût informé de ses promenades ? Reine secouait la tête. Depuis cette scène qu’il