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REINE D’ARBIEUX

quait des idées de large hospitalité. Il y avait, de l’autre côté de la cour carrée, plantée d’un royal ormeau, des écuries et des remises où vingt équipages eussent pu trouver place. Combien de géné­rations avaient poli les grosses pierres qui ser­vaient de trottoir, le long des communs ! Rien de plus simple que le pigeonnier, coiffé de briques. Les rosiers et la vigne vierge tapissaient les murs. On ne voyait aussi que de vieilles fleurs dans les massifs de la terrasse. La gerbe d’eau des arrosoirs passait éternellement, les soirs de chaleur, sur la pourpre opaque des géraniums, les grappes bleu-violet des héliotropes et le doux cornet des pétunias, flexibles, fripés par le grand soleil, tout englués de sève sucrée, dont le crépus­cule développait l’odeur délicate. Les bordures étaient faites d’une plante basse, dont les feuilles semblaient des langues de feutre grisâtre.

La Font-de-Bonne et les trois métairies qui l’en­touraient avaient été données en dot à Mme Elisa Fondespan, qui gouvernait seule le domaine, d’une main ferme, depuis son veuvage. On s’émerveillait dans le pays que cette femme eût pu vivre vingt ans avec son mari, sorte de tyran domestique, maniaque et cérémonieux, qui cachait sous des dehors irréprochables l’humeur la plus difficile. Mme Fondespan rangea avec soin, après sa mort, dans une grande armoire, son panama et ses vête­ments, parsemés de boules de camphre, mit en bonne place sa canne à poignée d’ivoire et n’en parla plus. Le caveau de famille qui tombait en