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REINE D’ARBIEUX

silence, des affronts mêlés aux pensées amères, peut tout supporter. Mais qu’elle lui plaisait ! Il n’avait vu à aucune femme cette courbe exquise des cils. Les lignes pleines et douces de la bouche révélaient un désir de bonheur qu’elle-même ne s’avouait pas.

— Non, répondit-elle, d’une voix lente, comme si elle cherchait les motifs de son imprudence. Je me promenais dans le bois, j’ai vu le moulin ; l’idée m’est venue de me reposer…

— Voulez-vous que je vous laisse ? proposa-t-il ; et il lui offrit de mettre à sa disposition une contremaîtresse. Désirait-elle se rafraîchir ?

Elle secoua la tête.

— Je vous remercie.

La pensée lui vint qu’elle le dérangeait. Peut-être était-il occupé ? Ou bien n’avait-il plus désiré la voir ? À le trouver si différent de ce qu’il était dans ses souvenirs, elle sentit avec une vivacité nouvelle combien elle tenait à son amitié. Son visage, le son de sa voix, tout avait changé ! Quels motifs pouvaient lui dicter cette attitude qui la peinait plus qu’elle n’aurait pu le dire ! Elle n’avait pourtant rien à se reprocher.

— Non, dit-elle, comme il affectait de se retirer dans la pièce voisine, où était son bureau, j’ai à vous parler. Depuis cet été, vous n’êtes plus venu nous voir. Que s’est-il passé ? Il faut que je sache.

Adrien ne se hâtait pas. Il avait le souci de jouer serré et savait le prix qu’on donne aux