Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
REINE D’ARBIEUX

Aujourd’hui, Germain le regrettait. Il se sentait seul. Que son père l’eût roulé et dupé — il avait joué avec lui comme le chat avec la souris — dans le règlement de la succession, il ne lui en voulait plus. S’il lui avait laissé en grande partie la jouis­sance des biens de sa mère, c’était sans doute parce que le bonhomme l’avait lassé par des dis­cussions interminables (le père Sourbets était de ces finauds qui couvrent de chiffres un carnet crasseux, tirent de leur œil un pleur à propos, invoquent mille fois le tonnerre de Dieu, et jurent à leur fils qu’ils se sont saignés à quatre veines pour les élever) ; c’était aussi par ce sentiment du respect des vieux, encore assez fréquent dans les bonnes familles de la lande, où il n’était pas rare — il y a seulement vingt ou vingt-cinq ans — de voir des hommes à la fleur de l’âge ne rien décider sans avoir pris conseil de l’aïeul, fût-il paralytique et assis au coin de l’âtre dans son fauteuil en bois de châtaignier. D’autant qu’il n’était pas de force à reprendre pied à pied le terrain perdu ! Qui donc pouvait se vanter d’avoir fait une seule affaire avec le vieux Sourbets sans y laisser au moins quelques plumes ?

Oui donc ? Assurément pas le père d’Adrien ! Germain hausse les épaules à cette pensée ; mais ce souvenir rôde autour de lui, le cerne, l’enveloppe comme ferait une menace obscure. Il se souvient que, petit garçon, il a vu son oncle entrer un soir, à la nuit tombée, dans la maison qu’ils occupaient en