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— « On devait mettre le feu à l’Hôtel-de-Ville ! C’est la première chose à faire dans toute révolte et ils l’avaient négligé » dit-il en s’animant.

« Ce n’est qu’à la suite de cette conversation que je compris quelle importance Bakounine prêtait à cette « première chose. » D’après lui, la destruction de l’Hôtel-de-Ville, dépositaire d’actes et de documents officiels, devait produire le trouble et le chaos dans les classes dominantes. « Beaucoup de privilèges et de droits de propriété reposent sur tel ou tel document officiel, dit-il ; ceux-ci une fois anéantis, le retour complet à l’ancien ordre de choses serait plus difficile. »

« En développant sa thèse, Bakounine fit observer ce fait, très significatif selon lui, que dans toutes les révoltes, le peuple s’élance d’abord sur les institutions officielles — les différents bureaux, les tribunaux, les archives, et il rappela la révolte de Pougatcheff, lorsque la foule rebelle déchirait avec fureur et anéantissait les documents officiels. Car, dit-il, le peuple avait compris instinctivement le mal du « régime des paperasses » et il s’efforçait de le détruire…

« À cette époque, Bakounine ne s’enthousiasmait plus pour les choses révolutionnaires russes. Au contraire, dans ses paroles perçait une sorte de scepticisme à l’égard des Russes. Il se plaisait aussi à railler les Allemands, surtout quand la conversation tombait sur les insurrections allemandes de 1848. Toutes ses espérances étaient concentrées sur les peuples latins, surtout sur les Italiens ; il employait tout son temps et toute son énergie à conspirer au milieu