Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le milieu bourgeois, je fais de la mauvaise politique et suis un tacticien détestable, et je n’ai pas la moindre envie d’agir autrement que je fais. Mais tu te méprendrais fort, si, de ce fait, tu allais conclure que je manque de réserve dans ma conduite en face du monde ouvrier. C’est l’unique milieu dans le monde de l’Occident dans lequel j’aie foi, comme je l’ai conservée chez nous, envers ce monde de moujiks et envers la jeunesse lettrée, au tempérament révolté qui, en Russie, ne trouve pas de place et n’a pas la possibilité d’utiliser son besoin d’action. Oui, j’ai foi en cette phalange de quarante milliers de jeunes militants qui, par leur position même, conscients ou non, appartiennent à la révolution, et pour lesquels jusqu’à ce jour encore tu ne peux me pardonner ma sympathie.

Ce n’est que dans ce milieu brut, qui offre le seul terrain sur lequel pourra s’édifier la nouvelle société réorganisée, que je reconnais, mon cher Herzen, la nécessité d’une politique et d’une tactique ; que je me penche pour étudier attentivement les côtés faibles comme la force virile, toutes les bêtises, comme toutes les choses sages, en cherchant à me conformer avec tout ce dont ce milieu dispose de la manière à faire avancer la cause populaire, ce qui est mon but essentiel, m’efforçant en même temps d’y affermir ma position individuelle. Puisse ma politique et ma tactique vis-à-vis Marx, qui me déteste et qui, j’imagine, n’aime personne excepté lui-même, ainsi qu’envers ceux qu’il a voulu rapprocher de lui, te prouver dans cette occurrence, que je ne suis point dépourvu, comme tu le crois, de tactique et de sens politique.

Marx est indéniablement un homme très utile dans la Société Internationale. Jusqu’à ce jour encore,