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sède la véritable force. Soyons donc logiques, et nous en présenterons une aussi, sinon dans le présent, au moins dans l’avenir, plus prochain, peut-être, que nous ne le croyons nous-mêmes.

Sachez-le, je n’ai aucune foi en cette guerre d’Orient, je dirai avec toi, en répétant à peu près tes paroles, qu’elle ne nous dégagera pas ; tandis que nous — mais pourquoi dis-je — Nous ? — tandis que notre gouvernement la souillera et, en s’ingérant, la gâtera. Ce qu’il va chercher à l’Orient, n’est pas une vie nouvelle, mais bien, des représailles et une compensation pour la leçon que la vieille Russie a reçue, lors de la guerre de Crimée et qu’il espère pouvoir rétablir à la sourdine, à l’aide de nouvelles conquêtes.

Tout cela ne vaut pas un sou. Cette coquetterie officielle avec les Slaves est abominablement honteuse — et j’ai grand’envie de faire observer à tous ces Slaves de l’Allemagne, ces défenseurs du principe de l’État, comme Palatzki, Riger, Brauner et autres, qu’en se rendant à Moscou pour fêter l’union fraternelle des Slaves, ils devront passer sur le corps de leur sœur slave, la Pologne, étouffée par Moscou. Vous me permettrez de revenir encore sur ce sujet dans mes articles.

Tu me demandes, ami, Ogareff, comment nous vivons ici ? Notre vie est assez restreinte mais, en revanche, elle s’écoule dans une intimité paisible. Pour le moment, nous nous trouvons à Ischia, où nous resterons un mois ou deux et peut-être même trois, dans l’attente de l’argent de Russie. J’ai écrit à quelques-uns de mes amis en Amérique pour leur demander de me trouver à placer des correspondances dans les journaux américains, qui payent très