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Alexandre Nicolaevitch comprend mieux que toi la leçon morale historique de l’État de la Russie. Il a le sentiment, peut-être, même une conscience très nette de ce que la fidélité du peuple russe à son tzar se base sur un malentendu, de même que le libéralisme frondeur de la noblesse. Car la substance même des intérêts de chacune de ces deux classes réclame, du peuple — de se déclarer l’adversaire de l’autocratie tzarienne qui lui est funeste, et de la noblesse, — toujours pour les mêmes motifs, — de rester sa fidèle alliée, parce qu’elle peut y trouver son salut. Il est évident que la conscience de ce principe domine aujourd’hui tous les esprits de la classe nobilière. Espérons donc, qu’au fur et à mesure que la noblesse, obéissant à une nécessité déterminée par l’ensemble de ses intérêts, se rapprochera du tzar, le peuple s’en éloignera ; qu’il comprendra enfin qu’il ne peut y avoir de conciliation possible entre le bien-être de la nation et le pouvoir du tzar et de l’État, l’existence de l’empire lui-même.

Chercher à l’expliquer au peuple, — c’est la tâche de nos amis en Russie, mais il appartient à nous de leur démontrer la nécessité de tracer cette voie unique qui doit les conduire à la liberté et au salut de la nation.

Je dois me résumer. Il est hors de doute que votre programme actuellement adopté, ne peut exercer un dixième de l’influence que vous avez eue en Russie il y a quatre ans d’ici. Et le carillon de votre Cloche se perd dans le vide de l’espace sans éveiller l’attention de personne… Elle résonne inutilement, parce qu’elle ne sonne pas comme elle doit. Il vous reste deux issues possibles : suspendre la publication