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quatre hauts murs. Le temps qu’il sera dehors, il se conformera à ce qu’on lui aura inculqué : faire plier les autres sous la volonté de son autorité toute-puissante.

Partout on ne parle que du respect d’autrui, mais peut-on respecter quelqu’un qu’on n’estime pas ? Et n’estime-t-on pas seulement celui qui cherche à se libérer des forces qui l’oppriment, de son orgueil et de ses préjugés ?

Les seuls éducateurs qui aient jamais obtenu quoi que ce soit ont vécu dans l’inquiétude, la confiance (pas comme un truc de pédagogue ou une mise à l’épreuve, mais une confiance vraie où l’on se repose sur quelqu’un de quelque chose), dans le chagrin, le savoir rire de soi, l’écoute et, osons le dire, l’affection. Les professionnels de l’éducation sont formés à ne jamais trop s’investir affectivement. Ils gagnent leur salaire comme ils peuvent. Le problème c’est que ces enfants sont souvent en mal d’amour. À des jeunes de 16-17 ans d’une banlieue réputée « difficile » que j’interrogeais récemment sur les punitions qu’ils avaient reçues (et cela allait de passer une nuit sur le balcon jusqu’à rester suspendus à un porte-manteau quand ils étaient tout mômes, enfin rien que de l’ordinaire) j’ai demandé : « Mais la pire des punitions pour vous, c’est quoi ? » Quelqu’un a répondu : « Quand mes parents me font la gueule » et les onze autres ont tous été d’accord.

Heureux ces jeunes-là qui peuvent encore souffrir de ce que leurs parents ne leur parlent plus[1]. Ceux jetés dans les prisons et les centres fermés seront condamnés à être privés d’amour, ils n’auront même pas les bras d’une petite copine pour les consoler et, qui sait, leur apprendre à se laisser aller à un peu de douceur (quant aux jeunes homosexuels et homosexuelles, je n’ose penser à la rééducation et aux équipes soignantes qu’ils et elles devront

  1. « À moins que cela ne compromette la prise en charge éducative des mineurs, ces derniers devraient pouvoir recevoir des membres de leur famille dans des conditions fixées par le règlement intérieur du centre » (c’est moi qui souligne). En clair, les parents n’auront plus le droit de voir leur enfant s’ils prennent son parti contre les injustices dont il sera victime.