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Petite Roquette. Quelques courtes années plus tard, elle choquait par ses résultats dont le plus visible était la démolition morale des jeunes. La Petite Roquette devint alors une prison pour femmes et l’on créa au grand air les « colonies pénitentiaires agricoles » qui durèrent pour la plupart jusqu’en 1945[1], date de la création des juges pour enfants. Dans leur grande majorité, ils tenteront d’éviter l’incarcération des jeunes délinquants, bien placés pour voir les ravages irréparables qu’avaient causés les bagnes d’enfants, comme on avait appelé ces fameuses colonies que furent Mettray (que l’on connaît si bien grâce au Miracle de la rose de Jean Genet), Saint-Hilaire, Saint-Maurice, Les Douaires, Eysses ou le Val d’Yèvres.[2]

À l’époque — comme on le voit encore actuellement dans les centres de placement immédiat — y étaient enfermés les jeunes vauriens, mais aussi les « enfants délaissés », ceux qu’il fallait arracher à « l’influence pernicieuse du milieu ». On optera très certainement bientôt, de même qu’alors, pour une répartition géographique des centres fermés en fonction de leur réputation de lieu plus ou moins disciplinaire : les petits gibiers de potence seront classés par degré de récupération possible (on recyclera les déchets dans des poubelles de couleurs différentes). Ils seront ainsi de mieux en mieux coupés de leurs racines, de leurs copains, de leur famille.

On n’arrête pas de nous seriner que les centres fermés n’ont rien à voir avec ceux d’avant, que ce seront de « petites structures » très humaines où tout naturellement l’enfant apprendra à obéir. Je ne crois pas un instant au velours de ces cages quand bien même les enfants auraient des murs bleus et roses et le droit de garder leur nounours. L’enfermement est en soi une violence. Il ne peut qu’engendrer un sentiment de révolte.

La dernière maison de correction, ouverte en 1970 à Juvisy-sur-Orge

  1. Mais il restait quelques maisons de redressement isolées qui furent supprimées sous le septennat de Giscard d’Estaing.
  2. Cf. Louis Roubaud, Les enfants de Caïn, 1925, ou Marie Rouanet, Les enfants du bagne, Payot, 2001.