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certaine de la violence, notamment des coups et blessures en particulier lors de « bastons » menées collectivement, mais aussi des viols. Par ailleurs, la délinquance juvénile est très souvent liée à la vente de drogue et au racket. Le sociologue Hugues Lagrange a pu parler d’attitude « entrepreneuriale », celle de ceux qui se livrent à ce qu’ils appellent le bizness (qui consiste avant tout à revendre des objets volés par des « petits frères »).

Ceux-là ont nettement l’impression qu’ils « se battent pour s’en sortir » ; ils sont très fiers de leur indépendance financière, de leur autonomie et « rapportent même de l’argent à la maison », ce qu’ils ne pourraient pas envisager avec les travaux précaires, du travail de clochard, qu’on leur propose. Ces adeptes du bizness n’aiment pas la baston et n’incendient pas les voitures ; il semble qu’on ne puisse être à la fois rebelle et commerçant — d’ailleurs, avisés, ils préfèrent ne pas voler eux-mêmes. On peut faire le pari qu’ils réussiront mieux dans la vie que ceux qui se laissent aller à leur rage contre l’injustice.

Aussi bien chez les jeunes « entrepreneurs » que chez ceux qui se prennent pour des desperados et tiennent à le faire savoir, la délinquance est nettement masculine. Où passe la colère des filles ?

Les jeunes délinquants revendiquent une prodigieuse misogynie. On a avancé l’idée que la cause en était le dépit devant l’image très dévalorisée des hommes qui n’ont pas de quoi élever leur famille. Sans doute aussi ces garçons nourrissent-ils une grande jalousie vis-à-vis des filles qui incontestablement réussissent bien mieux qu’eux en classe (c’est peut-être dans cette revanche-là que passe leur colère ?). Jalousie plus tard par rapport aux « mères seules » qui gèrent plus raisonnablement qu’eux les aides sociales et se débrouillent mieux qu’en vivant en couple.

Trait caractéristique de la France et qu’on ne retrouve dans aucun autre pays d’Europe : l’affrontement ouvert entre les jeunes et la police, mais aussi à un moindre degré tout ce qui représente l’autorité de l’État, comme les professeurs.