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Il est consternant que les syndicats de surveillants ne se soient pas mieux renseignés sur ce qui se passe dans les pays où ces systèmes fonctionnent, en particulier sur ces fameux sas que réclament les plus obtus. Les sas permettraient que jamais un détenu ne soit en contact direct avec les surveillants. Ne manquait que la tenue de combat avec casque intégral en verre fumé pour n’être plus, comme ça se passe dans nombre de prisons étatsuniennes, que des avatars de Robocop à abattre sur une play station ; c’est chose faite depuis le 20 février 2003 avec la création des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) dans lesquelles chaque gardien est armé de flashballs et harnaché comme pour une provocation aux déchaînements les plus meurtriers. À plusieurs reprises, j’ai interrogé les détenus sur leur étonnante charité à l’égard des gardiens lors d’émeutes dans les prisons françaises. Et tous répondaient en substance « On ne tue pas un mec qu’on regarde dans les yeux tous les jours. À force, on sait bien que celui-ci a un enfant malade, que celui-là a de l’humour, que cet autre est massacré par son divorce… » Bref ce sont des hommes. Et les matons qui ne comprennent pas que c’est ce qui les sauvait sont des imbéciles. Quand ils auront leur casque intégral, leur sas et le tout électronique, ils pourront dresser à la porte de la prison le tableau d’honneur en marbre qu’on voit partout en Amérique avec les noms en lettres d’or de ceux qui régulièrement tombent « victimes de leur devoir ». En France, la mort d’un gardien en service est extrêmement rare et c’est faire peu de cas de leur vie que de leur ôter le contact avec les prisonniers. Sans visage, ils ne seront plus que des pétards qu’on fait sauter, pour rien. Pour faire du bruit.

Nous savons tous que la politique ne pense pas haut et n’est plus que l’humble servante de l’économie. Nicolas Sarkozy, nommé ministre de l’Intérieur en mai 2002, s’est laissé convaincre par le postulat cher aux pénalistes américains : 100 000 hommes en prison, c’est 500 000 crimes évités. Un argument doit être assez simple pour être repris par les médias. Celui-là l’est bigrement, si toutefois on appelle argument une pétition de principe à ce