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La prison n’est cependant qu’un épiphénomène, elle n’est la grande punition que parce qu’il y a eu jugement.

Or il est impossible de juger. Aucun homme ne peut en juger un autre. Pas parce qu’il est évidemment vrai que chacun de nous est capable du pire, mais parce que nous manquons d’intelligence et que la conscience d’autrui demeure inconnaissable, sauf peut-être, sans doute, dans des moments de communion fervente qui justement excluent tout jugement. On peut s’en remettre corps et âme à quelqu’un que l’on comprend, eût-il été un bourreau, parce qu’il se sait sauvé (Sauver : 1 — faire échapper quelqu’un à quelque grave danger. 2 — Empêcher la destruction, la ruine, la perte de quelque chose. Petit Robert). Car aimer nous rend un peu plus intelligent.

La bonne Justice n’existe pas plus que la Justice bonne. De l’antiquité avec Salomon jusqu’à nos jours en passant par les enluminures de l’histoire nous peignant en azur, or et carmin Louis IX recevant les vilains sous son chêne, court la légende de bons juges qui rendraient à chacun son dû de justice. Mais Louis IX, qui fut pourtant loin d’être le pire des rois de France, faisait arracher la langue des blasphémateurs.

Car qui juge condamne. Qui condamne détruit. Toute peine est par définition douleur, impossible de sortir de là. Reprocher à une prison de trop faire souffrir, c’est reprocher à un hôpital de trop bien soigner.

Qu’elle meure de vieillesse ou légèrement euthanasiée, qu’elle implose ou soit transformée en terrifiant « centre de soins » pour malades psychiques (englobant les malades mentaux, mais pas seulement), la prison comme châtiment est usée, elle n’a plus d’avenir. Pourtant elle survit comme elle peut car l’ordre nouveau mondial exige pour quelque temps encore un symbole de son pouvoir de coercition de même qu’une police aux mœurs policières.

La prison fait partie intégrante du milieu de la délinquance, elle en est l’un des constituants, le vivier, ne serait-ce que parce qu’elle renforce ce qu’il est commun d’appeler l’exclusion. Parmi