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nous disent les chercheurs, ils redoutent véritablement d’être blessés (par les autres, par eux-mêmes, par des mécanismes qui leur échappent) et surtout de perdre leur temps c’est-à-dire leur vie. On comprend facilement une telle angoisse.

Inversement, toutes les femmes et les enfants qui vont au parloir d’une centrale chaque semaine se trouvent en parfaite sécurité au milieu de quelques assassins, deux ou trois maffiosi, un bon nombre de détraqués, le tout sous l’œil très tranquille de deux surveillants qui détournent pudiquement les yeux des amoureux et font la causette avec des enfants (certains surveillants sont affables, sensibles, quelques-uns ont même de l’humour, je ne l’ai pas assez dit).

Dans des centrales comme Saint-Maur ou Clairvaux, la majorité des détenus sont supposés dangereux, presque tous ceux qui prennent un café avec leur famille, regardent des photos ou roucoulent sont considérés comme de grands criminels. Or jamais personne ne se sent en danger. Au parloir, les visiteurs nouent des connaissances. Lors d’une permission, ce prisonnier reviendra à la maison avec un ou deux copains dont le casier judiciaire aurait fait tomber raide ce vieux monsieur à qui ils tenaient la porte de l’ascenseur.

De même ceux qui sortent libérés ou permissionnaires et qui montent dans le même bus devant la prison à 7 heures du matin se demandent peut-être si les autres voyageurs ont vraiment conscience d’être assis près de cinq ou six malfaiteurs ayant défrayé la chronique de leur journal quotidien.

Dans les foyers où on les accueille, à Emmaüs et dans quelques autres lieux, ces « criminels » ne font peur à personne. Pas parce qu’ils se seraient convertis à des vues plus honnêtes, mais parce que tout danger relève d’une situation précise. Ouvrir aujourd’hui les prisons ne présente aucun danger parce que cela ne modifierait en rien les situations individuelles où se retrouveraient tôt ou tard les sortants de prison. En revanche il est des situations économiques et culturelles — avec ou sans prison —