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origines économiques, sociales, urbanistiques, culturelles. Et à cause d’erreurs économiques, sociales, urbanistiques, culturelles, des individus singuliers sont jugés et condamnés à la prison, avilis et stigmatisés pour toujours ; c’est eux qu’on punit des fautes commises par les gouvernants qui mettent en place les conditions de la délinquance. N’est-ce pas dans les fameux « États providence » tant décriés où l’aide sociale a été la plus élevée, en Scandinavie, que le taux de délinquance a été le plus bas ?


À plusieurs reprises, nous avons posé ces deux questions : de quel droit juge-t-on quelqu’un ? De quel droit condamne-t-on un accusé ?

Nous avons fait mine de ne pouvoir trouver aucune réponse. Mais en réalité c’est bien par le droit pénal, le droit fondé sur le châtiment, qu’ils sont jugés et condamnés. Peut-on remplacer le droit pénal par un droit non pénal ?

Bien sûr que oui. Louk Hulsman — et il est professeur de droit pénal — écrit : « Tout tribunal, dit “civil” peut ou devrait pouvoir, avec quelques modifications à rechercher, intervenir de manière plus utile aux intéressés que l’actuel système pénal. »[1]

En droit pénal, on parle de faute morale, on ne peut être représenté, le procès est oral et public et un châtiment est donné au coupable sous forme de mort ou de supplice (torture physique et/ou mentale comme l’incarcération).

En droit civil, on établit les responsabilités sans passer par l’idée qu’il y aurait forcément une faute, le procès est oral et écrit, on peut être représenté et il y a non pas punition mais réparation. Autre différence de taille, au tribunal civil, on recherche en principe la vérité, ce qui n’est pas du tout nécessaire en droit pénal : en France si l’accusé dit qu’il peut présenter telles preuves

  1. Peines perdues, op. cit. Si je cite si souvent Louk Hulsman dans ce chapitre, c’est non seulement parce qu’il est intéressant mais aussi que les autres théoriciens de l’abolitionnisme sont très peu traduits en français.