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membres seraient proches des personnes impliquées dans le conflit. À chaque affaire, une commission nouvelle. Les conciliateurs sont ici formés et entraînés, écrit-il, « à ne pas proposer de solution »[1]. Ils sont là pour aider les gens à reconnaître la nature de leur conflit et à décider ce qu’ils veulent en faire : le relancer — si oui, dans quel contexte ? — ou le dénouer.

Chacun, victime et agresseur, s’entoure ainsi de gens qui le soutiennent mais qui ont décidé avec lui de régler l’affaire aussi pacifiquement que possible. Échappant ainsi aux professionnels, le conciliateur n’étant pour le coup qu’un animateur capable d’organiser les rencontres, ces commissions se protègent de toute systématisation. Il s’agit à chaque fois d’une association ponctuelle et singulière permettant à la victime et à l’offenseur de se retrouver chacun dans « son » monde, tout en acceptant d’écouter d’autres mondes.

Des abolitionnistes prudents pensent qu’il serait judicieux — pour pacifier la discussion — d’offrir au préalable (par l’intermédiaire de fonds d’assurances garantis par l’État qui existent déjà) des compensations financières aux victimes.

Que devient là-dedans la défense de la Société ? Une expression creuse, parfaitement vide. Car ce sont les hommes qui valent la peine d’être défendus, des hommes qui cherchent à vivre ensemble, à résoudre le plus intelligemment possible leurs problèmes sans donner pour ce faire procuration à un procureur pour lequel les individus que nous sommes ne peuvent exister en tant que tels. Le crime ou le délit n’est plus une offense à la Loi mais une offense à quelqu’un qu’on juge capable, finalement, de vous comprendre. À la confrontation les abolitionnistes préfèrent la rencontre, à l’État des associations ponctuelles de soutien pour les uns, de petites collectivités rurales ou urbaines pour d’autres. Chacun doit pouvoir choisir ses alliés et sa méthode d’approche des événements. Pour tous le crime est une tragédie, mais qui touche aussi bien l’offenseur que l’offensé.

  1. Peines perdues, op. cit.