Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

relations qui ne soient pas immédiatement réduites à des rouages sociaux.

Dès 1982, Louk Hulsman, l’un des tout premiers abolitionnistes, critiquait la mise en place d’instances de médiation conçues comme systèmes d’arbitrage animés par des professionnels[1]. On peut « professionnaliser » très vite un conciliateur en quelques journées de formation : celui-ci entend les deux parties séparément et prépare ensuite un compromis qu’il propose puis modifie en fonction des réactions des intéressés jusqu’à ce que l’accord soit accepté de tous. Mais on voit bien que ce système d’arbitrage ne peut fonctionner que pour des conflits minuscules.

Quant à un vrai face à face entre victime et agresseur où chacun peut exprimer sa colère et sa peine, et surtout être entendu, il peut constituer en soi une possibilité d’apaisement. Mais, disait Louk Hulsman, on ferait bien de se méfier de qui les organise. L’avenir lui a donné raison. L’un des plus célèbres systèmes de « justice communautaire » fonctionnant sur cette planète est celui du Canada. Il est animé par la Gendarmerie royale. J’extrais quelques passages du texte de présentation écrit par Cleve Cooper, commissaire adjoint à la Gendarmerie royale et directeur des services de police communautaire, et l’on comprendra assez vite pourquoi de nombreux abolitionnistes, en particulier chez les Européens, cherchent à inventer autre chose :

« La justice réparatrice est en fait une philosophie dont la pierre angulaire est le ressourcement communautaire. Comme la police communautaire, il s’agit d’une façon différente de procéder […] La justice réparatrice considère le crime comme la violation d’une personne par une autre, et non simplement une infraction à la loi. […] Les parties en présence doivent toutes convenir de l’équité du règlement pour les victimes, les contrevenants et la collectivité en général. Dans un forum de justice communautaire, le comportement du contrevenant est condamné, les besoins de la victime

  1. Cf. Louk Hulsman et Jacqueline Bernat de Celis, Peines perdues, Centurion, 1982.