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Australia a été mis en place en 1995, on cherche à faire fonctionner ces instances de médiation pour des affaires pénales plus graves, en particulier celles mettant en cause de jeunes délinquants. Que ce soit en Australie ou ailleurs, il s’agit de rassembler les acteurs et victimes d’agressions. Il est exclu de punir ou de sanctionner. Chacun est invité à parler et tous à réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour réparer les dégâts et éviter que cela ne recommence.

Bien avant que ne soient organisées des structures officielles, des individus s’étaient regroupés en association pour « chercher ensemble à cicatriser les blessures » comme ce fut le cas aux États-Unis pour l’association Murder Victim’s Families for Reconciliation[1], fondée par Marie Deans. À sa création, cette association « renversante » sembla littéralement contre nature : ses membres ont eu l’un des leurs tué par un criminel. À la surprise de tous, elle eut de plus en plus d’adhérents.

En Afrique du Sud, dans les dernières années de l’apartheid, des tortures aussi inédites que monstrueuses ont été pratiquées par ses partisans mais aussi par les autres. La commission Vérité et Réconciliation mise en place par Desmond Tutu a opéré une véritable révolution dans le système judiciaire habituel : à condition d’avouer publiquement son crime dans un face à face avec la famille de la victime, le coupable était assuré de n’être pas condamné, de repartir libre. Mais il devait tenter de comprendre et d’expliquer pourquoi il avait agi ainsi et répondre à toutes les questions des personnes qu’il avait torturées ou des proches de celles-ci. Par cet aveu détaillé, le meurtrier permettait à la victime d’être reconnue pour véridique dans sa version des faits ; on donnait raison à sa souffrance, ce qui était fondamental. Les meurtriers étaient aussi amenés à libérer des familles de l’insupportable angoisse de ne pas savoir ce qui était arrivé aux disparus.

Il nous faut un peu d’imagination pour percevoir à quel point cet aveu requérait de force. Desmond Tutu nous apprend par exemple[2]

  1. « Familles de victimes de meurtre pour une réconciliation », http://www.mvfr.org.
  2. Desmond Tutu, Il ny a pas d’avenir sans pardon, Albin Michel, 2000.