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Scandinavie et aux Pays-Bas[1]) et au Canada, les étudiants en droit et leurs professeurs commencèrent à s’interroger sur la cruauté voulue du châtiment carcéral.

Puis ce fut la réaction des années 80. Certes en France, ce fut spectaculaire avec, en 1981, l’effondrement de toute une pensée contestataire et de l’esprit critique en général, mais dans le monde entier l’argent comme seule valeur fondant la suprématie de l’économie sur la politique passa en véritable rouleau compresseur sur les idées qui fleurissaient dans les têtes des pacifiques.

Ce n’était encore rien et les années 90, années de fer, déchiquetèrent jusqu’au moindre espoir de s’arracher à la brutalité des rapports institutionnalisés et personnels. Dans presque toutes les contrées du monde, le taux de croissance de la population carcérale en cette période a augmenté de 20 % et d’au moins 40 % dans la moitié des pays[2] ! Au moment où j’écris il est trop tôt pour savoir si ce début du XXIe siècle ne sera pas plus terrifiant encore ou si nous pourrons échapper au pire par une implosion.

Les années 90 ont donc vu une augmentation draconienne du taux d’incarcération. À deux exceptions près : la Suède qui maintient le cap vers la baisse depuis 1997 et surtout la Finlande, seul pays du monde à avoir enregistré une baisse constante des incarcérations tout au long de ces quinze dernières années.

Sur 100 000 habitants, aux États-Unis 700 sont incarcérés, 685 en Russie, En France 90, en Finlande 54.

Dès les années 70, la Finlande avait amorcé la descente. Ce qui nous intéresse ici c’est que la politique seule, et non l’évolution de la criminalité, explique cette attitude totalement à contre-courant de la part d’une nation dont les ressortissants

  1. Aux Pays-Bas, en 1970, seules 35 condamnations de trois ans ou plus ont été prononcées. À noter que sur ces 35 condamnations, 14 avaient pour cause un homicide volontaire alors qu’il y avait 63 personnes condamnées pour ce crime cette année-là. Autrement dit, 49 personnes accusées de meurtre ont été condamnées à des peines de moins de trois ans (Cf. Louk Hulsman, Criminal Justice in the Netherlands, Delta, 1974).
  2. Cf. Nils Christie, L’industrie de la punition, Autrement, 2003.