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pour rien. Quant à l’enfant qui espère venger un jour son père en reprenant cette vendetta, ce n’est qu’un gibier de potence, son destin est tout tracé, on ne va quand même pas pleurer.

Et pourtant…

Quand on fait du mal à quelqu’un, il devient une victime. Les détenus sont tous des victimes, pas « victimes innocentes » mais qu’on le veuille ou non, victimes. Anne-Marie Marchetti cite dans son enquête un détenu qui fait justement remarquer qu’au début les criminels culpabilisent puis, après les assises, « culpabilisent le système » considérant avec quelles férocité et désinvolture on a disposé de leur vie au nom même du respect dû à toute vie.

Si nous parlons tant des 5% de détenus qui ont « du sang sur les mains » c’est que nous savons que c’est toujours eux qui hantent les imaginations, mais à plus forte raison la prison comme « mise à l’écart » est-elle irrationnelle et même grotesque pour les courtes peines.

Un jeune détenu, raconte Véronique Vasseur, a craché au visage de l’un des CRS venus en renfort lors d’une grève des surveillants. Ils l’ont battu. « Il a des traces de coups gros comme des bananes sur tout le dos » constate le médecin, il n’est plus qu’une plaie et se voyant près de mourir, il écrit sur le mur avec son sang pour demander pardon à sa mère. Après les points de suture, on l’envoie au mitard. Véronique Vasseur l’y retrouve plus tard « recroquevillé, barbouillé de sang, tout nu, sans matelas ». On s’oppose à sa demande de le laisser réintégrer sa cellule.

C’est d’abord cela la prison : le refus.

Mais depuis le temps qu’on nous parle de l’exemplarité du châtiment, pourquoi est-on si discret sur ce que serait l’exemplarité de la bienveillance ?

Ceux qui considèrent comme sacré tout code, tout règlement, toute loi, ceux qui ont besoin d’ordre et d’ordres et s’ingénient à apparaître comme dogmatiques et intolérants se réclament souvent d’une religion quelconque. Mais ils en prennent et en laissent. En Occident où a prévalu bien longtemps le christianisme,