Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il dit à la barre qu’il regrette d’avoir battu son fils, mais qu’il ne se sent pas coupable de cette mort. À l’annonce de sa condamnation à une peine de perpétuité, il entend stupéfait le public des assises applaudir. En réalité, le spectateur se réjouit d’un téméraire détournement de la loi, c’est bien la violence des coups et seulement elle qui l’a scandalisé ; c’est elle qui est ainsi punie de la plus longue peine possible et non un homicide effectivement accidentel. La Justice se voudrait d’airain, elle est de plomb, malléable. Cette marie-couche-toi-là peut bien faire la fière, elle n’en demeure pas moins au service des lois, lois votées avec une impudence qu’on a peine à croire tant qu’on n’a pas assisté à un vote de l’Assemblée nationale.

Nul n’est censé les ignorer. Mais on n’a jamais eu la folie de prétendre qu’on pouvait connaître toutes les lois d’un pays. La plupart des gens fonctionnent « au jugé » en fonction de l’intérêt du moment. L’auteur d’un délit ou d’un crime a souvent dû choisir entre deux lois : un jeune ne peut se permettre de braver la loi sexiste de son clan sans en subir les conséquences, c’est-à-dire une punition sévère : il doit participer à la « tournante » ou à une « expédition punitive contre des pédés ». Refuser, c’est être un insoumis, ce qui entraîne forcément un châtiment. Normal.

La loi au-dessus des lois est celle de l’État et personne n’essaie de nous faire avaler que c’est la meilleure, on tente simplement de nous montrer qu’elle dispose de moyens de coercition plus étendus et plus impitoyables que ceux des autres brutes. Celui qui a été jugé coupable d’avoir transgressé cette loi-là est alors condamné à une amende, à la lapidation, aux verges, à la mort, au pilori, à la déportation, à la prison, au bûcher, à la pendaison, à l’écartèlement, aux travaux forcés doux ou durs.


Le même Daniel C. dont il a été question un peu plus haut avait les larmes aux yeux chaque fois qu’il montrait une photo de ses enfants. Un de ses co-détenus m’écrivait : « Au début, quand on le voyait s’attendrir sur les photos de ses gosses, il y en avait