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intéressant de constater que les homicides par imprudence sont de plus en plus sévèrement réprimés.

Il fut un temps où les victimes d’un accident ne cherchaient pas à tout prix à punir quelqu’un. Elles estimaient normal d’obtenir réparation et quand il y avait eu mort d’homme, la famille trouvait souvent une satisfaction réelle et même une consolation dans le fait qu’on installe par exemple un rond-point à tel croisement dangereux qui éviterait d’autres drames. En ces jours révolus, au lieu d’envoyer en prison de supposés responsables, on réfléchissait encore à une solution.

Dans le domaine de la délinquance, ce qui touche le plus grand nombre de personnes, c’est le vol. Les victimes se fichent bien qu’on retrouve le voleur s’il ne peut leur rendre leur bien. Quand il y a cambriolage, elles ne se font aucune illusion sur les recherches de la police et si ce n’était pour l’assurance, il est patent que le plus grand nombre ne porteraient pas plainte. La souffrance est profonde et les victimes d’un cambriolage vivent surtout la dépossession comme une perte sentimentale — les objets inanimés ont une âme, la question ne se pose même pas. Elles se sentent lésées comme après une inondation ou un incendie ; elles comptent évidemment plus sur leur assurance que sur la Justice ; elles font renforcer portes et serrures, bref elles prennent des dispositions pour que ce qu’elles ont vécu comme une calamité ne se reproduise plus. Le voleur est accusé non d’être malhonnête mais de « n’avoir pas de cœur ». À l’inverse, on ne s’étonne pas de la gratitude de la victime à qui on a arraché le sac à main que l’on a finalement retrouvé déposé bien en vue sans argent ni chéquier mais avec les papiers, les photos, la lettre dont on ne s’est jamais séparé, le carnet d’adresses…

Le désir de châtier est toujours très lié à des réactions primaires d’indignation ou de peur et il est courant que la Justice soit volontairement dévoyée pour le plus grand plaisir de la galerie. Daniel C. battait régulièrement ses enfants avec une grande brutalité. Un jour un coup de poing dans le foie entraîne la mort de l’un d’eux. Pour le père meurtrier, il ne peut s’agir que d’un accident.