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Pour la première fois de son histoire, la Société elle-même reconnaît que la prison ne rapporte pas de bénéfices suffisants vu le capital investi ; toute alternative à l’enfermement pénal semble tendre dorénavant vers un résultat. C’est assez révolutionnaire pour nous donner l’espoir de voir très sérieusement diminuer les incarcérations de plus en plus souvent perçues comme inutiles. Mais il est d’autant plus clair que s’attaquer à la taule ne suffit pas. C’est le châtiment en tant que tel qui doit faire l’objet de toute notre méfiance et d’une surveillance organisée. Les condamnations les plus inquiétantes vont se diluer dans la vie de chaque jour. Après les délinquants sexuels, ce sera très vite les violents, puis les turbulents puis tous les mauvais diables. Des zombies bourrés de psychotropes assis les yeux morts sur les bancs publics n’attireront pas les journalistes, ces condamnés vidés de leur substance seraient bien incapables de se plaindre.

Si les injonctions de soins se répandent de plus en plus, nous n’en sommes pourtant pas à la fermeture des prisons. L’été 1974, éclatèrent partout en France des mutineries de prisonniers. Il y eut sept morts, mais les réformes demandées concernant les conditions de détention furent obtenues : abandon de l’uniforme carcéral (le droguet), fin de la coupe réglementaire des cheveux, possibilité réelle d’acheter des produits de cantine, assouplissement des conditions d’obtention de parloirs et augmentation de leur fréquence, autorisation de lire n’importe quel journal et d’écouter la radio en cellule ; ce n’était pas rien, mais l’essentiel c’est que le gouvernement adopta en 1975 de nouvelles mesures d’aménagement des peines.

Peut-être que si tout flambe encore, on acceptera de voir dans le temps carcéral autre chose qu’un produit à rentabiliser comme un autre. Quelques petites réformes s’imposent très certainement comme l’abolition de la réclusion à perpétuité, des peines de 30 ans et de sûreté. Mais il faudrait que ça flambe beaucoup beaucoup…