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se venge ostensiblement de se voir contestée. Et si Léger était innocent ? Et s’il est coupable, pourquoi cet acharnement ?

Déjà les victimes d’erreur judiciaire sont condamnées plus sévèrement que ne le réclameraient les faits, pour cause de « dissimulation », mais tout au long de leur incarcération leur innocence va encore jouer contre eux, les empêcher d’avoir une commutation de peine, des grâces, des permissions, une libération conditionnelle le moment venu. Jusqu’ici, seule la Justice se livrait à ce type de représailles. À présent l’administration pénitentiaire en est partie prenante et c’est toute la vie quotidienne qui va devenir objet de menues persécutions pour les insoumis, notamment pour ceux qui contesteront le bien-fondé d’un châtiment. Ce sont les condamnés à de courtes peines, bien plus souvent touchés par les erreurs judiciaires, qui, proportionnellement, verront le plus augmenter leur temps de prison.

Le projet d’exécution des peines prévu pour la durée de la détention va trouver tout naturellement dehors son prolongement par le suivi socio-judiciaire institué par la loi du 17 juin 1998 visant les délinquants sexuels. Cette mesure est une peine qui peut être prononcée par le tribunal en plus de la peine de prison ; elle peut aussi, pour des cas très mineurs jugés en correctionnelle, être la peine principale. À leur libération, les délinquants sexuels doivent accepter de se plier régulièrement à divers contrôles sociaux et policiers et répondre surtout à « l’injonction de soins » qui leur a été signifiée. Là encore le corps médical a tout intérêt à se faire croire à lui-même que le condamné vient « librement » se faire soigner.

Quand il s’agit, à la sortie de prison, d’une psychothérapie, il est juste un peu saugrenu d’imaginer qu’un juge condamne quelqu’un à établir une relation de confiance avec un soignant ; mais lorsqu’il s’agit d’une chimiothérapie imposée par des psychiatres peu enclins à se voir rendus responsables d’une éventuelle récidive, on peut être certain que le soigné aura droit aux doses les plus monstrueuses possibles de neuroleptiques. Et à vie.