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« Or le décret de 1975 autorise l’Administration pénitentiaire à modifier le déroulement de la peine et à placer le condamné en quartier de haute sécurité si on découvre en lui une “dangerosité”. Dangerosité qui n’est plus manifestée par le délit mais suscitée par la prison. Eh bien, si la prison crée un danger qui lui est spécifique, c’est la prison qu’il faut supprimer.

« […] Si la prison crée le danger, il est juste et légitime de vouloir y échapper. C’est indispensable, en tout cas, si on ne veut pas devenir dangereux soi-même ; nul ne doit se faire le complice de ceux qui l’exposent volontairement à devenir dangereux. L’évasion dans ce cas est un devoir. »[1]

Un homme dangereux en soi n’existe pas. Un homme violent ou énervé, oui on en connaît tous. Mais un homme dangereux…? Ou alors si, celui-ci ou celle-là qui passe de douces heures de rêveries dans son salon à imaginer quelles tortures il ou elle aimerait infliger. Jusqu’à quel point est-il ou est-elle capable de passer à l’acte ? Impossible heureusement de le savoir. Nous vivons près d’assassins potentiels à qui ne manque que l’occasion. Vis-à-vis d’eux comme des condamnés, un seul impératif de bon sens : comprendre ce qui se passe pour agir en fonction des causes et non plus des conséquences.

La prison destinée aux « vrais criminels » sera donc d’une cruauté extrême et cependant on voit poindre une ultime alternative plus raffinée encore, la psychiatrisation.

Lorsqu’il s’agit de tueurs en série par exemple — si rares soient-ils — l’esprit de beaucoup (dont je suis) renâcle à admettre qu’on se trouve là en face de personnes sensées. Ces psychopathes sont des malades. Il faudrait les soigner. Les Landru apparemment sains d’esprit restent de grands mystères ; il en existe sans doute d’autres, ils ne se font jamais arrêter. Mais ceux qu’on voit de très loin en très loin dans les cours de justice en Asie, en Europe et ailleurs, présentent généralement les symptômes habituels de la paranoïa. On prend prétexte de ces grands déments pour

  1. Déclaration lors du procès pour évasion de Lisieux.