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À priori est considéré comme dangereux un homme qui a été très durement puni (rappelons qu’avec la loi Three strikes, you’re out, aux États-Unis un petit délinquant peut se retrouver condamné à la prison à vie pour une bricole). La petite délinquance est la conséquence immédiate de modes de vie imposés par une politique économique donnée, mais en France les grands crimes demeurent contingents. Les circonstances, l’âge, les conditions de vie, l’état de dépression qu’on traverse, tout se conjugue à un instant x pour que se produise un drame qui aurait pu ne pas se produire. Il est irrationnel de considérer comme dangereux quelqu’un qui jamais ne récidivera.

C’est pourtant bien sous le prétexte de leur dangerosité que sont enfermés des criminels dans des prisons de « haute sécurité ». Les y rejoignent aussi les insoumis ou ceux qui ont quelque difficulté à supporter la réclusion.

En 1978, le Groupe Information Prisons publiait un texte de Michel Foucault dont voici quelques extraits :

« Autant qu’on le sache, la loi punit un homme pour ce qu’il a fait, mais jamais pour ce qu’il est. Encore moins pour ce qu’il serait éventuellement ; encore moins pour ce qu’on soupçonne qu’il pourrait être ou devenir. Et voilà que maintenant, la justice pénale, de plus en plus, s’intéresse aux gens "dangereux” ; elle fait de la "dangerosité” une catégorie sinon punissable, du moins susceptible de modifier la punition. […] La "dangerosité”, cette sombre qualité qu’on prête aux individus, vient maintenant s’ajouter au délit. Et donne droit à un supplément de peine. On est en train de créer l’infraction psychologique, le "crime de caractère”. Je te punis car tu n’es pas comme il faut.

« Raisonnons un peu.

« Si la dangerosité est une catégorie psychologique parmi d’autres, elle ne saurait entraîner aucune peine, ni aucun supplément de peine.

« Si la dangerosité est une possibilité de délit ou d’infraction, aucune loi n’autorise à punir une simple virtualité. […]