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Certains s’appuient sur un fait réel : l’horreur qu’inspira la prison aux résistants (puis aux « collaborateurs » ) qui par la suite exercèrent des fonctions politiques. Mais les jeunes politiciens n’en ont plus rien à faire de cette commisération d’un autre âge, ils aiment cette idée de honte infligée parce qu’elle est « participative ». Des juges tout neufs vont s’en donner à cœur joie, on va enfin faire appel à leur créativité, ça fera de belles performances fondées sur la farce et le drame : voir des individus se promener dans les rues avec un écriteau portant le motif de la condamnation mettra un peu d’animation dans les quartiers trop privés de fêtes culturelles.


Avant de poursuivre, disons-le tout net, ces peines prétendument « de substitution » ne sont pas, comme on a essayé de nous le faire accroire, une alternative à la prison. Elles se surajoutent à l’arsenal répressif actuel et ne remplacent rien. Il faut bien voir par exemple que le placement sous surveillance électronique ou le travail d’intérêt général sanctionnent des faits ou des attitudes qui, jusque-là, ne valaient quand même pas la prison.

Avant, un homme pouvait être libéré en conditionnelle. C’était de la part de ceux qui en prenaient la responsabilité un acte public de confiance. Désormais, au lieu de se retrouver libre, le détenu ira faire un ou deux ans de plus dans un établissement pour peine aménagée puis se verra menotté par le bracelet électronique.

Déjà Michel Foucault avait fait observer que les mesures d’alternative à la prison allaient toujours dans le sens d’un contrôle social accru en emprisonnant dehors ceux qu’on voulait réprimer. Loïc Wacquant, analysant comment la gauche libérale d’après 1981 avait sacrifié tout idéal de justice à la marchandisation des rapports sociaux, montrait en 1999 comment la France devenait de plus en plus policière et traitait pénalement la pauvreté en multipliant les punitions et sanctions sous forme de contrôles[1].

  1. Cf. Les prisons de la misère, op. cit.