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cette charge à « des personnes de droit privé habilitées » dans des conditions qui doivent être précisées par décret.

Le projet de loi sur la protection de la présomption d’innocence prévoyait d’étendre ce dispositif à la détention provisoire, ce qui n’était pas sot. Mais chacun a pu voir avec quelle détermination la police avait lutté contre ce projet. Elle a obtenu gain de cause. Ce n’est pas la première fois que c’est elle, dans ce pays, qui fait la loi.

Le bracelet électronique permet d’aller travailler, mais c’est une astreinte de chaque jour lorsqu’il faut prévenir les autorités quand on compte aller chez le coiffeur, à la laverie ou se faire faire une prise de sang. Selon les cas, l’ordinateur relève les manquements aux horaires ou aux trajets assignés.

Des sociologues et juristes ont immédiatement pointé un des dangers majeurs de cette formule : lorsqu’elle existe, la famille entière doit jouer un rôle de sentinelle.

On peut s’attendre à toutes les dérives et le fameux bracelet intéresse nombre de braves gens : ceux en charge de tout le contrôle social. Oh ! bien sûr, on « respectera la liberté individuelle » et « c’est pour son bien » qu’on « proposera » à un alcoolique d’accepter le port du bracelet lui interdisant l’entrée des cafés, à un joueur de se fermer de lui-même les salles de jeux, à un adolescent de se garder d’approcher des centres commerciaux. Des entreprises pourront facilement empêcher l’accès de tel bâtiment à leurs employés. N’évoquons même pas les interdictions (« librement acceptées ») entre époux ou de parents à enfants. À l’amour rien d’impossible.

La surveillance électronique n’a d’intérêt aux yeux de ses promoteurs que si elle empêche de facto la délinquance ; on s’attend donc à ce qu’elle soit prochainement agrémentée de « réponses électriques » capables de paralyser l’éventuel agresseur. Ces bracelets-là existent, ils sont fréquemment utilisés dans d’autres pays, particulièrement lors des procès ; des décharges, parfois très violentes, retiennent l’accusé de tout geste d’irritation ou de déclamations paraissant déplacées à la barre.