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psychiatres de l’administration pénitentiaire tiennent enfin un discours différent de celui des « anciens » et reconnaissent qu’il faut en finir avec cette fiction tentant de faire accroire que la santé mentale d’un détenu ne pouvait pas se dégrader du fait de son internement.

La conjugaison de ces deux facteurs (plus de malades « prêts à passer à l’acte » laissés dans la nature et une prison qui ne peut que rendre déments les plus fragiles) ne pouvait qu’aboutir à une situation intenable. Certains psychiatres de la pénitentiaire ne veulent cependant pas admettre qu’une souffrance volontairement infligée est indéfendable d’un point de vue éthique ; Pierre Lamothe du SMPR de Lyon[1] revendique la peine de prison comme douleur : « La prison ne doit pas détruire, mais il serait scandaleux qu’elle ne soit pas pénible. »[2]

Dans le Code pénal d’avant 1993, l’ancien article 64 permettait de considérer un malade mental comme irresponsable sur le plan pénal. Dans le nouveau Code, le second alinéa de l’article 122-1 stipule : « La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. »

Dans l’esprit du législateur, cette dernière phrase permettait donc d’accorder des circonstances atténuantes. Or c’est exactement l’inverse qui se produit ; aux yeux des jurés et des juges, la maladie devient circonstance aggravante et les peines sont bien plus lourdes pour ceux qui en souffrent. Dans leur ensemble, les psychiatres sont trop heureux de se défaire ainsi des cas gênants et justifient leur conduite par des laïus du genre « La responsabilisation du malade est partie prenante d’une démarche thérapeutique. » Quelques trop rares confrères osent s’insurger, c’est le cas d’Evry Archer, psychiatre responsable du SMPR de Loos : « On entend

  1. Les SMPR (services médico-psychologiques régionaux) sont chargés au sein d’un établissement pénitentiaire des soins psychiatriques.
  2. Cité dans l’article « La carcérale des fous », Libération du 15 janvier 2001.