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un homme ne supporte plus la vie pénitentiaire, il crise, il est alors envoyé au mitard et tous les psychiatres de prison s’accordent à dire que c’est le lieu où l’on se suicide le plus tant il est facteur d’angoisse (il est fait pour cela).

Nous sommes trop rapidement passés dans le chapitre précédent sur la psychiatrie en prison pour ne pas devoir y revenir ici.

Le Dr Pierre Pradier, député européen, a remis en décembre 1999 à Élisabeth Guigou un rapport sur les soins aux détenus ; il n’hésitait pas à déclarer que les psychiatres des hôpitaux publics, lorsqu’ils reçoivent dans leur service un malade violent et donc « dérangeant », le laissent sortir sous prétexte de ne pas vouloir le contraindre (comme ils disent). À la première incartade, il se retrouve jugé, expertisé, emprisonné. Et le Sénat pouvait écrire dans son Rapport : « On peut comprendre que les juges ne soient pas tentés d’infléchir la pratique des psychiatres, la mise en liberté de fous dangereux étant particulièrement difficile à admettre pour l’opinion. La fin des asiles traditionnels laisse aussi de côté les malades mentaux ou en situation de précarité, qui suivent leur traitement de manière tout à fait hasardeuse […] La solution du "moindre mal”, celle de l’incarcération des psychotiques, est ainsi retenue, pour le plus grand malheur de l’administration pénitentiaire. »

La conclusion du rapport est celle-ci : « Paradoxe terrible, la réforme du Code pénal et la nouvelle "pratique” des psychiatres ont abouti à un résultat inattendu : de plus en plus de malades mentaux sont aujourd’hui incarcérés. La boucle est bouclée : la prison, aujourd’hui en France, est en train de retrouver son visage antérieur au Code pénal napoléonien. »[1]

La France est de très loin en Europe le pays où l’on se suicide le plus, où l’on consomme le plus de neuroleptiques, de médicaments contre la dépression et d’alcool. De plus, la proportion de « border lines » dans la société semble en nette augmentation. Les

  1. Rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, op. cit.