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Dans d’autres États, on ne veut pas en démordre d’autant qu’un bon nombre de condamnés ont avoué le crime — et pourtant la presse américaine révèle régulièrement des extorsions d’aveux assez nauséabondes[1]. Contrairement à une idée trop répandue, il est exceptionnel qu’on reste plusieurs années dans les fameux couloirs de la mort. Il faut pour cela avoir des avocats acharnés (et bien payés). Quand il y a exécution, elle a souvent lieu dans les trois ou quatre mois qui suivent le verdict. Un pauvre n’a pas de quoi faire faire une recherche ADN. Encore une fois l’opinion ne se mobilise que lorsque l’injustice est criante, mais l’injustice est presque toujours silencieuse. Lorsqu’il s’agit de peines perpétuelles, à plus forte raison de peines de 5 à 10 ans, personne ne s’émeut. Les erreurs judiciaires doivent être autrement courantes pour les peines de prison que pour les condamnations à mort.

Les États-Unis restent le modèle des cow-boys du monde entier. Bientôt, pour les petits délits, l’Europe connaîtra le pilori remis au goût du jour Outre-Atlantique sous la forme des peines dites « de la honte », comme de se promener dans la ville avec une pancarte où est inscrit le motif de la condamnation. Dans certains États, pour un délit même mineur, on prend perpétuité à la troisième condamnation[2]. Notons en passant que c’est aux mêmes États-Unis qu’entre 1979 et 1989, le budget de l’assistance sociale baissait de 41 % alors que les crédits pénitentiaires augmentaient de 95 %.[3]

En France, il serait trop simple de dire que ce sont les détenus eux-mêmes qui se condamnent à mort. Il faudrait plutôt dire que tout les y pousse. En prison, quelqu’un tous les trois jours réussit son suicide, 200% d’augmentation en sept ans. Quand

  1. Voir par exemple dans Libération du 5 décembre 2002 les aveux de cinq jeunes qui ont été condamnés de 5 à 10 ans pour viol. Tous ont accompli leur peine avant que le véritable coupable ait été identifié.
  2. C’est la loi « Three strikes, you’re out » : trois coups et vous êtes exclu.
  3. Cf. Les prisons de la misère, op. cit.