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des juges est dangereuse pour la société parce qu’elle fait monter le taux de criminalité.

Bien que 77 pays aient supprimé de leur arsenal juridique la peine de mort[1], les États-Unis restent attachés aux exécutions capitales malgré la forte mobilisation d’une minorité américaine qui se bat avec intelligence et bravoure pour que disparaisse ce symbole de la vengeance. Il est d’ailleurs assez curieux que dans un pays qui se réclame avec ostentation de la religion chrétienne, 71 hommes et femmes, sains d’esprit ou reconnus malades mentaux, aient été exécutés en 2002. C’est en réalité 3 581 individus qui ont été condamnés à mort aux États-Unis cette même année dont 74 âgés de 17 ans ou moins[2]. Ce qui n’a empêché de dormir que 3 581 personnes sur cette planète. Beaucoup ont été graciés, mais un fait plutôt ahurissant mérite qu’on s’y arrête : un très grand nombre ont échappé à leur exécution grâce aux progrès des recherches sur l’ADN qui ont prouvé à la dernière minute leur innocence.[3]

C’est un inconditionnel de la peine capitale, le gouverneur de l’Illinois George Ryan, républicain, qui fit mener une enquête systématique dans les couloirs de la mort à Chicago. Il reçut les conclusions radicalement inverses de celles qu’il espérait (en particulier le sperme analysé chez les auteurs de viols accompagnés de meurtre ne pouvait être celui des condamnés à mort dans ces affaires) ; atterré, il déclara publiquement, assisté de membres de la CIA et du FBI, qu’au vu du « nombre inouï » de condamnés à la peine capitale ainsi innocentés, il décidait un moratoire des exécutions, ajoutant qu’elles ne lui semblaient pas immorales en soi mais impossibles à prononcer en toute justice. Trois ans plus tard, en graciant tous les condamnés à mort de son État, il entraînait l’Illinois, en janvier 2003, sur la voie de l’abolition de la peine capitale.

  1. La république de Toscane a été le premier État du monde à l’abolir le 30 novembre 1786, suivie en 1863 par le Vénézuela.
  2. Chiffres donnés par le Bureau of Justice Statistics (US Department of Justice).
  3. Voir le dossier du New York Times du 21 avril 2002 : « The system dances with Death ». En sous-titre « Be not proud ».