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affronter). De toute façon, sous la férule des surveillants (avec ou sans l’insigne), entourés de seuls camarades partageant la même misère sexuelle, tous vivront une puberté bien tordue, une sexualité « de taulard ».

Le discours sécuritaire sème le vent. Il récoltera des tempêtes, des incendies. L’histoire des maisons de correction ne peut que se répéter. Combien de morts faudra-t-il pour qu’on imagine autre chose que la répression policière ?

La France rêve de la « tolérance zéro » à l’américaine. La population incarcérée aux États-Unis a augmenté de 80 % ces dix dernières années. Le taux d’emprisonnement par habitant est cinq fois celui de la Grande-Bretagne, huit fois celui de la France et quatorze fois celui du Japon. Mais plus cette répression se durcit et plus la criminalité augmente, la violence de rue se traduisant par des meurtres ne peut plus se comparer quant au nombre de morts qu’à celui d’un pays en guerre.

Des députés socialistes avant ceux de la droite avaient chanté les louanges des couvre-feux imposés aux adolescents dans les grandes villes américaines[1]. Le couvre-feu a toujours été l’arme des pays que la peur a vaincus. Imagine-t-on une ville d’Italie avec interdiction pour les jeunes de sortir le soir ? C’est toute une douceur de vivre, une élégance des rapports qui serait anéantie par la brutalité d’outre-Atlantique.

Sous prétexte qu’on ne sait pas quoi inventer pour empêcher des jeunes de saccager ce monde, on ne peut quand même pas systématiquement choisir les solutions les pires, les plus génératrices de délinquance dure.

Ce n’est pas par masochisme, mais il faut s’appesantir un peu sur le modèle de société qui nous est proposé. Nous avons sous les yeux la preuve avec les États-Unis que la frénésie des policiers et

  1. Sur l’américanisation de la politique policière française, voir Les prisons de la misère de Loïc Wacquant, op. cit