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dans le piège risible consistant à voir dans le social la condition de la relation. L’individualisation de chaque être ne mène pas à une solitude pire. Au contraire, seul l’être humain dégagé de son animalité sociale (de sa bêtise organisée) donne une chance à chacun de vivre dans un monde où peuvent enfin s’aimer des individus délivrés des mécanismes.

On peut casser les déterminismes, on peut casser les machines. La liberté est une vue de l’esprit. Justement, c’est là sa puissance. Elle n’existe que par ce que j’en conçois et crée.

Mais d’abord, comprendre. Comprendre le sens de la pièce, le modifier, le refuser éventuellement et aller jouer ailleurs. On peut aussi ne pas aimer le théâtre. Mais quant à moi, je supporte difficilement de vivre au milieu de marionnettes à langue de bois. Je veux comprendre. Comprendre !


La manipulation participe toujours de l’oppression. Les enfants sont des dindons. Les parents « cool », ceux que tu appelles les « parents frais », on en a connu quelques-uns… « Qu’est-ce que tu dirais, Valentin, d’aller quelques mois à l’École en bateau, hein ? C’est une expérience fantastique pour un jeune de naviguer, en toute responsabilité… Ça m’aurait passionné, quand j’avais ton âge… Plutôt que de glander à l’école, au moins tu apprendrais la navigation. Ça pourrait plus tard te servir… Tu ne veux pas qu’on aille voir ? Oh ! Mais je ne t’oblige pas ! C’est juste une suggestion… » À deux, on pourrait en écrire des pages et des pages de ce style ! La manipulation, parmi les « libéraux » qu’on fréquente, c’est le nec plus ultra de la rhétorique pédagogique. J’entends la voix de tel ou tel spécialiste : « Laisse-moi faire… je sais parler aux gamins… »

Bon. Mais je tiens à affirmer que j’ai rencontré des femmes ou des hommes qui pouvaient parler à des gosses ou à des adultes sans jamais chercher à les manipuler ; j’en ai vu ! Des gens capables d’expliquer la situation avec ses avantages et ses inconvénients et de dire ensuite : « Réfléchis et dis-moi ce que tu auras décidé », capables aussi de dire : « Je ne suis pas du même avis mais c’est à toi que revenait cette décision, on va essayer » sans faire la gueule, sans avoir peur. Jean-Pierre, Christine, Geneviève, tu vois, Marie, ces adultes-là m’apprennent à vivre et je suis tout heureuse de leur devoir ça. N’empêche… c’est rare.

Pas de pédagogie possible sans trafic ni manigance (puisque la pédagogie repose sur l’idée que l’adulte est dans le vrai et qu’il faut amener par tous les moyens l’enfant à cette vérité).